Hélène Gilliot : « S’opposer à la digitalisation est contre-productif »

Interview du 15/06/2017.

 

Avocate collaboratrice du cabinet d’affaires Brunswick depuis octobre 2015, Hélène Gilliot, 30 ans, évolue au sein du département de droit immobilier. Après un double cursus en criminologie et en droit des affaires, elle a fait le choix d’une structure intermédiaire afin de rester proche du client. De son point de vue de jeune avocate, elle nous parle de la digitalisation de sa profession.

interview hélène gilliot

Quelle place occupe le digital dans votre profession ?

Conscient qu’il est indispensable de se tenir informé en temps réel des évolutions législatives et jurisprudentielles, mon cabinet — Brunswick — s’est depuis longtemps abonné à de nombreuses newsletters, notamment celle mise en place par les Editions Législatives. Cette veille juridique nous permet également d’informer nos clients sur les évolutions juridiques en rapport avec leur activité.

A titre personnel, je me suis abonnée à la newsletter de Lexbase, spécialisée en information juridique. Pour le développement de ma clientèle personnelle, j’utilise la plateforme de mise en relation Justifit.fr. Celle-ci me permet d’obtenir des dossiers dans des matières variées et différentes du droit immobilier, que j’exerce au sein du Cabinet Brunswick.

Les justiciables ont facilement accès aux informations essentielles concernant mon activité tels que mes modalités de facturation et mes domaines d’intervention, deux éléments indispensables lorsqu’ils souhaitent prendre contact avec un avocat. La digitalisation est un phénomène global qui touche tous les aspects de notre société.

Comment percevez-vous la digitalisation de votre profession ?

La digitalisation est un phénomène global qui touche tous les aspects de notre société : les avocats, comme les autres, doivent s’y adapter. Aujourd’hui, les justiciables effectuent leur recherche d’avocat en majorité sur Internet.

C’est à nous, avocats, de nous rendre accessibles grâce notamment à un site internet à jour et intuitif ou encore à une présence sur les plateformes de mise en relation avec les clients. Certaines legaltechs ont tendance à considérer les avocats uniquement comme des prestataires de service, ce que nous ne sommes pas.

Certains de vos confrères sont hostiles aux legaltechs, et plus largement à la digitalisation.

Que pensez-vous des legaltechs ?

Je peux comprendre la méfiance de certains de mes confrères, notamment ceux qui n’ont pas grandi avec ces nouvelles technologies et il est vrai que certaines legaltechs ont tendance à considérer les avocats uniquement comme des prestataires de service, ce que nous ne sommes pas. Nos obligations déontologiques nous confèrent un statut particulier et une libéralisation trop agressive pourrait nuire à la qualité de notre service.

Ces personnes nous alertent sur les possibles dérives de certaines startups juridiques et cela est nécessaire. Néanmoins, je pense que les plus réfractaires prendront à terme un retard difficile à rattraper : la digitalisation est un phénomène global et s’y opposer par principe me paraît contre-productif.

Quel est votre point de vue sur la notation des avocats par des sites tiers ?

Bon à savoir :

La notation des avocats par des sites tiers a été récemment autorisée par la Cour de Cassation.

Comment juger le travail d’un avocat ? C’est tout l’enjeu de cette question. Je ne suis pas contre sur le principe, mais il faut s’interroger sur la forme que pourrait prendre cette notation.

Pour le client qui attend – à juste titre – un suivi impeccable de son dossier, il y a le risque de choisir un avocat qui ne s’impliquerait pas ou ne serait pas compétent et je comprends que cela puisse inquiéter les justiciables. Dans cette hypothèse, la mise en place d’avis rédigés par les clients sur la base de critères objectifs tels que la disponibilité de l’avocat, son écoute, sa réactivité me paraîtrait plus juste.

Cependant, si la note ne dépend que de la capacité de l’avocat à gagner un procès, je suis contre. Un avocat qui a parfaitement travaillé son dossier peut perdre et on ne doit surtout pas réduire nos compétences à notre capacité à gagner. Des avis négatifs injustifiés peuvent mettre en péril la réputation d’un avocat ou d’un cabinet, il faut donc avancer avec prudence.

Comment percevez-vous l’utilisation de l’ia intelligence artificielle ?

La justice prédictive m’inquiète. Si les clients ont accès aux statistiques de procès similaires aux leurs, ils vont penser que les dés sont déjà jetés. Or, la justice est rendue par des juges qui sont avant tout humains, et deux affaires qui dans les faits semblent similaires peuvent connaître un dénouement totalement différent.

De plus, le travail de recherche est aussi une partie importante de notre profession, c’est ce qui nous enrichit en tant qu’avocat. Laisser ce travail à des machines dénaturerait une partie de nos compétences, ces mêmes compétences pour lesquelles les clients font appel à nous. Je pense que la France est prête à appréhender ce tournant numérique.

L’outil idéal pour le développement de votre carrière ?

Ce qui me vient à l’esprit est un outil de facturation. En l’état, je trouve qu’il y a un manque réel d’outils intuitifs pour aider efficacement les avocats dans leur facturation.

De même, il me semble que lorsqu’on est jeune avocat, il est parfois difficile de facturer un client au « juste prix », un prix qui soit en adéquation avec les diligences réalisées par l’avocat. Un outil qui permettrait, en rentrant certains critères tels que l’expérience professionnelle, la technicité du dossier, les ressources du client, de trouver le prix juste pourrait aider de nombreux avocats à se lancer et leur éviter ainsi de travailler éventuellement à perte en se sous-facturant.

Pensez-vous que la digitalisation va changer le métier d’avocat ?

Profondément, je ne pense pas, car le métier reste fondamentalement le même ; de nouveaux outils viennent nous assister mais il n’y a pas de changement majeur dans la pratique et dans l’application du droit.

Pour le moment, c’est plutôt notre façon de trouver des clients qui évolue. Internet est devenu un outil indispensable pour toutes les professions et les avocats n’y font pas exception. Je pense que la France est prête à appréhender ce tournant numérique.

Bon à savoir :

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