Maître Nadine Ghorayeb : une vie aux mille couleurs ?
Interview réalisé le 17/10/2019.
« Et je me suis dit, c’est ça que j’ai envie de faire », dit-elle en parlant des icônes. Avocate, musicienne, poétesse, auteure, peintre, iconographe… Artiste ? Difficile de poser une étiquette sur Maître Nadine Ghorayeb. L’avocate mène une vie à cent à l’heure, entre ses multiples passions et sa polyvalence, son travail prenant et son engagement associatif.
« Ce côté artistique a toujours été quelque chose qui fait partie de ma personnalité dont je n’ai pas pu me débarrasser ». Maître Nadine Ghorayeb a dès son enfance, succombé à ses charmes. Elle observe l’un de ses cousins qui peint, orbite autour d’un autre qui joue du piano et reproduit tout ce qu’elle voit. Elle fréquente les musées et l’opéra dès l’âge de 5 ans (elle assiste ainsi à des ballets chorégraphiés par Rudolf Noureev). Nadine Ghorayeb lit aussi beaucoup, puis décide que plutôt qu’être spectatrice de l’art, elle souhaite aussi y laisser sa trace.
Ainsi, au piano commence t-elle par des improvisations, puis ose l’écriture de poèmes et prends des cours d’art dramatique. Elle écrit aussi des nouvelles à quatre mains avec une amie. Puis c’est l’écriture de scenarii, pour lesquels elle suit des formations à la Maison du film court.
Le cinéma, une autre de ses grandes passions. « J’ai toujours eu un penchant très développé pour l’art. Je voulais travailler dans le cinéma au départ. Je regarde beaucoup de films. Je considère que le cinéma est très riche d’un point de vue intellectuel. A travers lui, il est possible d’exprimer des réalités et de faire passer des messages plus facilement. J’aime aussi beaucoup l’idée de laisser libre cours à son imagination ».
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Réaliser un film ? Elle y pense, pourquoi pas un court-métrage. « Un jour, je réaliserai un film. Je pense que je choisirai des sujets sociaux liés au droit et aux nombreuses injustices. Par exemple, je suis très sensible au problème du harcèlement moral au travail. Peut-être que je réaliserai un court-métrage de fiction sur ce thème ou sur la maltraitance animale. »
« Je suis la voix de l’animal qui ne peut pas s’exprimer »
Maître Nadine Ghorayeb se définit comme l’amie des animaux. À ce titre, elle s’investit dans la protection animale. Elle est en effet, membre du Conseil d’administration de l’association Stéphane Lamart pour la défense des droits des animaux, reconnue d’utilité publique.
Elle intervient notamment pour ladite association en sa qualité de partie civile dans le cadre de procès, lorsque les animaux sont victimes d’actes de cruauté, de sévices ou de maltraitance et d’abandon.
« J’aide l’association sur différents aspects. Récemment, nous nous sommes battus au niveau international contre le festival de Yulin en Chine. Nous avons récolté à travers des pétitions de nombreuses signatures pour lutter contre ce festival. L’association a créé une cagnotte pour faire venir des chiens pour les sauver de l’abattoir de Yulin. En matière de protection animale, la situation est très complexe en Chine. Les chiens que nous avons sauvés en les faisant venir sont actuellement à l’adoption dans notre refuge en Normandie, à Aunay-sur-Odon. »
« Dans le monde, de nombreuses personnes sont passionnées par les icônes »
Les icônes, une passion atypique ? D’origine chrétienne orientale, maronite du Liban, elle a toujours été émerveillée par les icônes quand elle se rendait, enfant, dans les églises. C’est la raison pour laquelle, tout naturellement, elle a voulu apprendre à les peindre. « Nous ne disons pas peindre des icônes, mais écrire une icône. En réalité, une icône est une prière », nous reprend-elle. Mea culpa.
C’est à la suite d’une exposition d’icônes à l’Institut du Monde Arabe en 2003 que Maître Nadine Ghorayeb a décidé d’apprendre à les écrire. Elle trouve un atelier « formidable » dirigé par Marianne Hervy qui donnait des cours à Nice au monastère des Sœurs Clarisses à Cimiez. Puis dès son retour à PARIS, elle a appris une autre technique avec l’éminent Georges Drobot. Ces techniques existent en réalité depuis des siècles dont certaines sont empruntées à celles utilisées notamment dans l’Antiquité Romaine.
« C’est un travail très spirituel : l’on part de l’ombre vers la lumière. Petit à petit, nous commençons à poser des couleurs très foncées et puis nous montons dans la lumière en posant les couleurs les plus claires. En effet, nous partons de l’ignorance vers la connaissance. C’est toute une philosophie qu’il y a derrière les icônes. Artistiquement, c’est une démarche très intéressante. Il existe des icônes issues de plusieurs cultures et pays. C’est en cela notamment que le monde des icônes est beau. C’est un art qui évoque le passé et qui illustre la diversité culturelle de certains pays et la rencontre entre diverses cultures et leur influence. »
Dans un monde où l’être humain « tellement déshumanisé, perd son essence, où les machines risquent bientôt de nous dépasser », l’art des icônes, art ancestral, la raccroche à quelque chose d’humain et d’authentique.
Nadine Ghorayeb a déjà participé à plusieurs expositions dont deux dans le cadre de la biennale du Palais Salon à la Bibliothèque de l’ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris.
L’avocate prépare actuellement une 3ème exposition dans le cadre de la 16ème édition du Palais Salon 2019 qui aura lieu du 12 au 14 novembre prochains à la Bibliothèque de l’ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris.
Même si elle privilégie son travail d’avocate tant au niveau national qu’international (droit international privé, droit de la famille, droit immobilier, droit des affaires, droit de la propriété intellectuelle et industrielle, droit des animaux…) par rapport à ses activités artistiques, elle a conscience que sans ses activités artistiques elle ne pourrait pas nourrir son métier d’avocat. « Ce sont des vases communicants. L’art crée un équilibre dans ma profession. »
« Être conscient de la réalité du métier »
« Notre métier est à la fois merveilleux et dur. Nous ne vivons pas dans un roman ou dans un scénario de film dont nous décidons de l’issue. Ce n’est pas notre imagination qui donne le résultat que l’on espère ou attend. La réalité est tout autre ».
Si Maître Nadine Ghorayeb devait donner un conseil à un jeune avocat qui entre dans la profession, elle l’enjoindrait à s’armer de courage : « le métier présente parfois des difficultés sous divers aspects mais il reste un très beau métier. S’il est possible de manière exceptionnelle de ressentir quelques frustrations, au demeurant ces moments restent rares ».
Cependant, à l’image des icônes qu’elle aime tant écrire, elle va de l’ombre vers la lumière et se fait l’avocate de son métier qui possède bien plus d’aspects positifs : « il y a des moments de grâce aussi. C’est un métier qui participe à la construction de l’esprit, à la réflexion. Une profession où l’on ne s’ennuie jamais. C’est un métier qui en vaut la peine où l’altruisme est déterminant et prédominant ».
Cette passion qui la pousse dans le milieu professionnel comme dans le monde artistique, elle en a fait sa devise. « Avec la passion tout est possible. Tout est surmontable et nous pouvons arriver à nos fins. Il faut accepter et ne jamais regretter ».