Comment gérer les tensions et conflits entre confrères – consœurs ?
Si traiter les litiges et contentieux de ses clients fait partie intégrante de votre profession, subir un rapport conflictuel avec un confrère ou une consœur irascible peut être perturbant. Pourtant, une telle situation n’est pas une fatalité. Si les conflits sont inhérents à toute organisation humaine, savoir apaiser les tensions, gérer une relation conflictuelle ou en sortir peut être un véritable atout.
Pour le webinar de février, Justifit recevait Harold Richardson, consultant formateur et coach, afin de vous donner les clés pour gérer les conflits avec vos confrères/consoeurs. Cette session était co-animée par Pauline Deschamps, directrice générale de Justifit.
Le Replay :
Qui est Harold Richardson ?
Harold Richardson est consultant, formateur et coach certifié auprès d’HW Consult, un centre de formation situé à Nice. Spécialisé dans l’analyse comportementale, l’intelligence émotionnelle et relationnelle, il accompagne ses clients dans leur démarche de développement personnel. Il intervient depuis plus d’une dizaine d’années auprès de publics sensibles confrontés quotidiennement à des situations conflictuelles. Les avocats sont l’un des publics auxquels il s’adresse. Le principe d’efficacité personnelle est au cœur de sa stratégie d’accompagnement. Pour Harold Richardson, augmenter son efficacité professionnelle, c’est dépasser ses compétences techniques en tirant le meilleur parti de ses aptitudes personnelles. Il s’agit de mieux se connaître, mieux s’accepter et mieux se comprendre pour comprendre et accepter « l’autre ».
Qu’entendons-nous par conflit ?
Les personnes ont souvent une perception différente du mot conflit.
Quand on regarde l’étymologie du mot conflit qui vient du latin conflictus et qui renvoie aux idées de combat, de lutte ou de choc. Cette orientation du mot, déjà en place au 16ème siècle, a donc une connotation guerrière. Dans cette définition, on retrouve aussi les idées d’antagonisme et d’opposition de sentiments, d’opinions, entre des personnes ou des groupes.
La deuxième chose, c’est que le conflit crée un malaise. C’est-à-dire une situation où l’on sent un dysfonctionnement, souvent lié à une divergence d’opinions, sur lequel on va s’opposer, se confronter. Le conflit est donc lié à une divergence de points de vue Cette divergence va se cristalliser et créer cette situation conflictuelle.
Quels sont les mécanismes d’un conflit ?
Dans un conflit, vous allez retrouver tout d’abord une divergence d’opinions, de valeurs, d’intérêts. C’est tout ce que l’on va retrouver quand on va définir comment un conflit se crée et comment il naît entre deux personnes. La divergence est donc le premier acte. Toutefois, rares sont les divergences qui vont aboutir par la création d’une tension.
On n’est pas d’accord mais ce n’est pas un problème, généralement on vit très bien avec cela. Mais pour une raison ou une autre, ce désaccord va créer une tension. Cette tension ne va pas s’apaiser au fur et à mesure des échanges et évoluera en un blocage.
Ainsi, d’une divergence tout à fait normale dans les échanges, va apparaître une tension pour des raisons et un facteur additionnel que l’on verra plus tard. Cette tension va créer un blocage et, de ce blocage, va naître potentiellement ce que l’on appelle un conflit ouvert.
Un conflit est un processus d’escalade. Une divergence entre deux personnes va se transformer en tension puis en blocage avant devenir un conflit ouvert.
Quelle distinction entre conflit et problème ?
Tandis qu’un conflit est une situation dans laquelle on se bloque, un problème est différent. En effet, un problème est mesurable, observable, c’est un écart entre une situation que l’un ou l’autre des interlocuteurs souhaite. Le problème génère alors une insatisfaction que l’on va appeler “acceptable”.
Le conflit est lui non mesurable mais reste observable par les comportements et la gestuelle des personnes. C’est aussi un heurt, un choc, qui génère, lui, une insatisfaction entre les deux personnes.
En somme, le problème est rationnel (une solution existe même si celle-ci ne plaît ni à l’un ou à l’autre) tandis que le conflit est émotionnel, irrationnel, et n’a donc pas de solution.
La majorité des problèmes ne dégénèrent pas en conflits mais lorsque c’est le cas, on rentre dans quelque chose de beaucoup plus émotionnel que cela.
Le processus émotionnel du conflit.
Le conflit est émotionnel à partir du moment où l’on est partie prenante à ce conflit.
Lors d’un échange, une divergence naît. Dès lors, plus la tension va durer, plus son intensité va croître et va augmenter la probabilité de voir un conflit ouvert apparaître.
Au départ, nous avons tous des besoins. Des besoins physiologiques (boire, manger, dormir) et des besoins qui sont d’ordre psychologique.
De ce besoin arrive progressivement la naissance d’un désir.
Par exemple, il fait très chaud, j’ai besoin de m’hydrater après avoir passé du temps dans les transports. Je sais que j’ai laissé une bouteille d’eau, une canette de soda au frais dans mon frigo donc quand j’arrive chez moi, ce besoin de boire se transforme en désir.
Une fois chez moi, la bouteille que j’avais mise dans le frigo le matin est sur la table. Si la bouteille est encore fraîche, je suis satisfait. Si la bouteille est ouverte et/ou plus fraîche, je suis déçu. Enfin, il est possible qu’en laissant la bouteille sur la table, la personne responsable a créé chez moi une frustration. Je suis mécontent de ce geste. Je passe donc du besoin et désir à la frustration. Cette frustration peut se transformer en colère, en agressivité verbale voire en agressivité physique.
Dans une situation d’opposition, la frustration va naître d’un besoin non satisfait pour lequel en face, je n’ai pas été reconnu dans mon besoin. Ces besoins ne sont pas pris en compte par l’autre. Une frustration, propre à nous et qui n’apparaît pas à l’autre, va générer chez l’un ou l’autre une réaction.
La manifestation de la violence :
La violence se manifeste par un phénomène assez fort. La colère ou la peur sont les deux émotions que vous allez retrouver dans une situation conflictuelle. La peur de ne pas réaliser vos objectifs, la peur de ne pas être écouté, la peur de ne pas être respecté. Ce sont autant de besoins. Ainsi, le conflit va générer une émotion dont vous ne pouvez vous soustraire. Vos émotions sont des balises internes qui vont guider vos réactions.
Exemple : vous roulez tranquillement et soudainement un enfant traverse la route car il veut récupérer son ballon. Cela va provoquer une émotion de peur qui va vous faire appuyer sur le frein. L’émotion prend ainsi le dessus et génère un comportement. D’ailleurs le processus s’entend comme la perception d’une situation, une interprétation de celle-ci qui va générer une émotion et un comportement. Ainsi grâce à la peur, vous allez avoir une réaction qui va au-delà de votre réflexion.
C’est le même mécanisme qui entre en jeu dans le conflit. Vous avez une perception d’une situation qui va engendrer une émotion, mais cette émotion là est une émotion naturelle, qui n’est pas gérable. En revanche, ce qui est intéressant, c’est de se demander si je peux gérer le comportement qui va être associé à cette émotion.
Comprendre que nos émotions sont des balises internes, des besoins dont on a ou non conscience, c’est se donner la possibilité d’éviter d’entrer dans l’engrenage du conflit.
Comment mieux gérer ces tensions ?
En fonction de la manière dont le conflit vous a touché, vous pouvez remettre en cause la relation qui vous lie avec la ou les personnes. Les conflits remettent en cause la manière dont vous êtes compris et la confiance que vous pouvez avoir l’un et l’autre. Ainsi, le problème n’est plus au cœur des échanges mais devient accessoire. La personne n’est plus axée sur le problème mais s’en prend personnellement à vous, vous faites l’objet d’une attaque.
Les types de réactions :
On dénombre trois manières de réagir :
Face à un conflit, certaines personnes prennent la fuite. Elles font comme si cela n’existait pas, elles ne répondent pas et disparaissent. Elles vont vivre cela mal mais dans la longueur.
Dans un conflit, certaines personnes deviennent agressives. Elles vont parler plus fort, vont s’imposer de manière verbale, presque physique, pour imposer leurs points de vue et contrecarrer les autres. On sort donc du problème pour aller sur le champ de l’individu et donc d’une confrontation directe. Par ailleurs, si la personne en face de vous est agressive, elle ne l’est pas forcément parce qu’elle est sûre d’elle, mais parfois parce qu’elle ne l’est pas du tout. La peur de perdre le contrôle peut être le symptôme d’une telle agressivité.
Enfin, dans le comportement, certaines personnes peuvent devenir plus manipulatrices. Plutôt que d’entrer en confrontation ou en affirmation, elles vont utiliser des voies détournées. Elles vont mêler d’autres personnes, passer par d’autres personnes pour vous attaquer ou gérer les conflits. Ces personnes vont donc avoir tendance à être insaisissables face à vous mais dégrader largement la situation en envoyant d’autres personnes.
Identifier la nature du conflit :
Le conflit de pouvoir :
Ici, vous êtes face à quelqu’un qui a besoin d’exister plus que vous, d’avoir plus de reconnaissance, d’exercer une forme de pouvoir qu’elle n’a pas. Elle refuse que vous ayez le même pouvoir, la même capacité qu’elle à exercer un pouvoir. Cela conduit donc à un conflit de pouvoir. Il est possible que vous ne viviez pas la situation de la même manière que l’autre ou que vous n’ayez pas la même perception de ce pouvoir.
Les conflits liés aux intérêts :
Ici, la personne se sent dans l’obligation de protéger ou d’augmenter ses gains. C’est quelque chose de très personnel. Je suis dans un conflit d’intérêt. Quand j’ai la peur de perdre quelque chose ou l’envie de gagner quelque chose, je deviens extrêmement confrontant ou je deviens très ardu dans la défense de mes intérêts.
Le conflit de reconnaissance :
La personne a décalé le problème. Elle est liée au fait qu’elle puisse être reconnue et exister. C’est sa manière d’occuper la place dans le débat. Certaines personnes ont tant besoin de briller qu’elles ne peuvent pas s’empêcher de se mettre en avant. Cela peut être exaspérant pour vous mais est indispensable chez ces personnes.
Le conflit lié à des malentendus ou des maladresses comportementales :
Il s’agit là de la perception d’une situation ou de l’interprétation d’une attitude que vous auriez peut-être eu. Cela dépend donc du regard sur le monde de la personne. La personne perçoit une attitude différemment de nous et un conflit se met alors en place.
Se concentrer sur soi :
On ne peut pas changer l’autre par contre je peux faire attention à moi, à comment je vais fonctionner, quel est mon état d’esprit. Le contexte est temporaire donc la situation doit être regardée non plus comme subie mais comme une situation que je dois replacer dans le calendrier. Aujourd’hui, la situation est ainsi mais demain cela sera différent et je dois me concentrer sur moi-même.
Adopter un comportement assertif :
Moins vous êtes calme, plus vous montrez à l’autre qu’il a la main sur votre état d’esprit. c’est ce qu’on appelle l’assertivité. L’assertivité, c’est se donner des droits, des autorisations. J’ai le droit de penser ce que je pense. J’ai le droit de dire ce que j’ai à dire. J’ai le droit de faire ce que je fais. à condition que je donne le même droit à l’autre. C’est-à-dire que je me donne le droit d’être en désaccord avec l’autre. Ainsi, quand on ne fait pas preuve d’assertivité c’est qu’on est dans un certain processus où dans le conflit, l’un a raison et l’autre a tort. L’assertivité est de dire que nous ne sommes tout simplement pas d’accord. On repositionne donc le désaccord sur le fait de ne pas être d’accord. C’est l’acceptation du désaccord.
Exemple de comportements assertifs:
- J’ose dire « je », je parle en mon nom
- En cas de désaccord, je prends l’initiative de clarifier la situation
- Lorsque j’ai raison, je laisse une sortie honorable à mon interlocuteur
- Je vais droit au but et je joue cartes sur table
- Je clarifie mes objectifs et mes besoins
- Je me dis qu’il faut trouver une solution commune
- Je pose des questions claires, ouvertes et directes
L’assertivité c’est :
- l’expression plus directe de ce que l’on pense, veut, ressent, tout en étant à l’écoute de ce que l’autre pense, veut, ressent.
- S’affirmer tout en respectant l’autre.
- Se respecter soi-même en s’exprimant directement, sans détours, mais avec considération pour autrui.
LE LIVRE BLANC :
«Le Guide de la gestion des émotions pour avocat »
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