Mise au placard au travail : que faire ?
Vous vous sentez privé de travail, on vous tient à l’écart des réunions importantes ou des échanges d’emails… La mise au placard peut toucher de nombreux salariés, même les plus assidus et passionnés. Rassurez-vous, même si aucun cadre légal précis n’encadre la « placardisation », cette pratique n’en demeure pas moins condamnable pour l’employeur. Pour vous épauler dans cette situation et vous conseiller sur les démarches à suivre, n’hésitez pas à consulter un avocat expert en droit du travail. Pour mieux comprendre la notion de mise au placard au travail, les questions suivantes se posent : qu’est-ce qu’une mise au placard ? La mise au placard constitue-t-elle une forme de harcèlement moral ? Que dit la loi sur les obligations de l’employeur ?
À RETENIR : Que faire en cas de mise au placard au travail ?
Face à la mise au placard, pratique managériale de mise à l’écart, différentes mesures peuvent être prises comme le recours amiable et la négociation d’une rupture conventionnelle du contrat de travail. En dernier recours, le salarié peut se tourner vers les tribunaux.
Votre employeur vous a mis au placard au travail ? Découvrez comment réagir en lisant ce qui suit.
Qu’est-ce qu’une mise au placard ?
Pour comprendre la notion de mise au placard, en voici la définition :
La mise au placard, aussi appelée “placardisation”, consiste à retirer progressivement les fonctions, prérogatives et informations à un salarié. L’employeur ne lui donne ainsi plus de travail ou lui confie des missions qui ne conviennent pas à son niveau de qualification, alors que son emploi reste maintenu.
La mise au placard peut se manifester de nombreuses façons.
Ainsi, vous pouvez observer les signes avant-coureurs énumérés dans la liste qui suit, signifiant qu’on tente de vous mettre à l’écart :
- Vous n’êtes plus convié aux réunions qui devraient pourtant vous concerner ;
- Vous n’êtes plus dans les boucles d’emails ou les appels importants ;
- Vos contributions aux réunions auxquelles vous participez encore sont ignorées ;
- Vous êtes retiré des processus de décision ;
- Vous n’avez plus d’interaction directe avec votre supérieur, qui ne vous informe plus de ses rencontres avec vos collaborateurs ;
- Votre travail se réduit à des missions sans enjeu et vos fonctions sont réduites sans que l’on vous en propose d’autres ;
- Vous êtes physiquement isolé en déplaçant votre poste de travail dans un petit bureau ;
- Vous faites souvent l’objet de remarques et de blâmes afin de vous mettre petit à petit à l’écart.
Il s’agit d’autant d’exemples de changements dans votre environnement professionnel qui pourraient signifier qu’on souhaite vous mettre au placard. Pourquoi vous faire subir tout ça ? De manière générale : pour vous pousser à quitter l’entreprise de vous-même en démissionnant.
La mise au placard peut concerner n’importe quel salarié et intervenir à n’importe quel moment de sa carrière. Généralement, la placardisation intervient avant un licenciement ou au cours des années précédant le départ à la retraite. Cette situation peut également toucher les femmes qui reviennent après une longue absence comme un congé de maternité.
Que dit la loi sur les obligations de l’employeur ?
Techniquement, la mise au placard ne possède aucune définition juridique aux yeux de la loi. Il s’agit donc d’une notion qui reste assez floue. Pour autant, ce genre de pratique est encadré par deux des obligations légales de l’entreprise, mentionnées dans la liste ci-dessous :
- D’après l’article 1194 du Code civil, votre entreprise est dans l’obligation de fournir le travail prévu dans le contrat ;
- D’après l’article L. 4121-1 du Code du travail, votre employeur doit prévenir toute situation de harcèlement moral.
La mise au placard peut donc donner lieu à des poursuites en justice pour lesquelles il existe de nombreux cas de jurisprudence, notamment dans le cadre de la modification du contrat de travail sans accord du salarié ou encore de harcèlement moral.
La mise au placard constitue-t-elle une forme de harcèlement moral ?
Par définition, le harcèlement moral correspond à des agissements répétés susceptibles d’engendrer une dégradation des conditions de travail de la personne qui les subit.
Cette répétition d’actes peut aboutir sur les faits énumérés dans la liste ci-après :
- Atteinte à la dignité et aux droits de la personne harcelée ;
- Altération de sa santé physique ou mentale ;
- Menace pour l’évolution de sa carrière professionnelle.
Voici un exemple de mise au placard considéré comme du harcèlement moral, jugé par la Cour de cassation le 6 juillet 2020 : Un salarié est du jour au lendemain transféré dans un petit bureau, inconfortable. Il est isolé de ses collègues et plus personne ne lui parle.
Les règles de preuve concernant le harcèlement moral sont particulières. En effet, il incombe à la victime d’apporter la preuve du harcèlement, soit de ce changement de bureau et de cet isolement dans ce cas. Les juges ont considéré que ces agissements avaient causé la dégradation des conditions de travail du salarié et porté atteinte à sa dignité.
La mise au placard constitue un acte de harcèlement moral dès lors que le salarié apporte suffisamment de preuves.
Quelles preuves pour appuyer votre mise au placard ?
Être en mesure de prouver que votre employeur vous a bien mis au placard n’est pas une mince affaire. En effet c’est à vous, salarié victime, de prouver que vous subissez bien un isolement physique soudain ou que votre supérieur hiérarchique ne vous donne que des missions insignifiantes ou vous a retiré des responsabilités.
En premier lieu, évoquez la situation avec des collègues de confiance pour confirmer ou infirmer vos soupçons. Il s’agit aussi d’une manière de lutter contre l’isolement que l’on vous fait subir. Ces collègues (mais également des ex-collègues partis depuis en retraite, suite à une fin de contrat…) pourront vous fournir des attestations de faits ou paroles constitutives de harcèlement dont ils auraient été directement témoins.
Par ailleurs, conservez tout document physique ou digital permettant de prouver que vous subissez une mise à l’écart.
N’hésitez pas à suivre les démarches de cette liste :
- Relevez chaque jour les faits précis, datés, mots, gestes, circonstances et témoins pour constituer un récapitulatif objectif des événements ;
- Conservez les mails reçus, post-it déposés sur votre bureau ou documents annotés qui pourraient contenir des propos déplacés, agressifs, excessifs ;
- Gardez une copie des documents témoignant d’une différence de traitement, d’une dégradation des conditions de travail ou d’une baisse de responsabilités (comptes rendus de réunions, plannings, organigrammes…).
Votre avocat peut vous aider à déterminer les éléments qui seront utiles ou non pour prouver votre mise au placard. C’est pourquoi il est utile d’être conseillé par un professionnel du droit avant de prendre une quelconque décision concernant votre situation.
Comment se défendre face à une mise au placard ?
Différentes solutions peuvent être mises en place face à une situation de mise au placard.
La résolution à l’amiable
Avant même d’engager une procédure en justice, il est judicieux d’explorer la possibilité d’une résolution à l’amiable de la situation en commençant par dialoguer. Commencez donc par évoquer la situation dans laquelle vous vous trouvez auprès de votre supérieur hiérarchique direct. Il sera possible de clarifier la situation.
Dans le cas où il n’est pas possible de parler directement avec votre manager (notamment s’il participe activement à votre mise au placard), il est possible de vous adresser à un supérieur plus haut placé.
Négocier votre départ suite à une mise à l’écart
Vous pouvez être tenté de quitter l’entreprise en présentant votre démission. Ce n’est pas toujours la décision la plus judicieuse. En effet, la démission n’est pas une solution favorable au salarié, d’autant plus dans les circonstances d’une mise au placard ou d’un harcèlement moral. En démissionnant, vous serez en effet tenu de respecter une période de préavis. De plus, vous ne pourrez pas bénéficier du droit aux allocations chômage.
Pour cette raison, vous avez tout intérêt à tenter de négocier votre départ, par exemple par le biais d’une rupture conventionnelle de votre contrat de travail. Ce mode de rupture de contrat de travail permet de profiter d’indemnités et d’un préavis négociés.
Avec les preuves de harcèlement de votre côté, vous aurez la main pour négocier avec votre employeur s’il s’inquiète de l’impact que pourrait avoir une procédure judiciaire dans l’entreprise.
La saisine du Conseil de Prud’hommes
Face à une telle situation, vous pouvez également vous tourner vers la justice pour faire reconnaître la faute de votre employeur. Vous aurez donc à saisir le Conseil de Prud’hommes, qui est habilité à décider si la faute de l’employeur est reconnue ou non. En effet, le recours au CPH est notamment possible en cas de litige relatif à une situation de harcèlement moral, comme dans le cas d’une mise au placard.
Pour la saisine, le salarié doit adresser une demande par courrier recommandé ou non au greffe du Conseil de Prud’hommes. Cette demande doit être adressée uniquement par voie de requête.
Elle doit comporter les éléments de cette liste :
- Les coordonnées du demandeur (soit du salarié) ;
- Les coordonnées du défendeur (soit l’employeur) ;
- L’objet de la demande et un exposé sommaire des motifs derrière la requête ;
- Les pièces qu’il souhaite invoquer à l’appui de sa demande (qui devront être énumérées dans un bordereau annexé à la requête).
Sous peine de voir sa demande rejetée, il est bien souvent indispensable de faire appel à un avocat expert en droit du travail pour formuler une requête complète et recevable. Votre avocat pourra également vous aider à déterminer si vos demandes sont réellement fondées en droit, mais aussi vous indiquer vos chances de succès.
Dans le cas où la faute de l’employeur est reconnue, la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur peut être prononcée par le juge. Il sera ainsi tenu de vous verser d’importantes sommes, comprises entre six mois et deux ans de salaires.
Un avocat peut jouer un rôle important pour aider un salarié confronté à une mise au placard de plusieurs manières :
- Conseil et évaluation : L’avocat peut conseiller le salarié dès les premiers signes de mise au placard, en évaluant si cette situation pourrait être qualifiée de harcèlement moral. Il peut examiner les faits et aider à déterminer si le salarié dispose d’éléments suffisamment solides pour prouver la dégradation de ses conditions de travail.
- Collecte de preuves : L’avocat peut guider le salarié sur les éléments à conserver pour documenter sa situation, comme des courriels, des témoignages de collègues ou des preuves de tâches réduites. Cela aide à constituer un dossier complet et cohérent qui pourra être présenté si une action légale est engagée.
- Négociation avec l’employeur : Si le salarié souhaite négocier son départ de l’entreprise, l’avocat peut l’aider à obtenir une rupture conventionnelle avantageuse. Avec des preuves de harcèlement, l’avocat peut renforcer la position du salarié et inciter l’employeur à éviter un litige.
- Saisine du Conseil de Prud’hommes : Si une résolution amiable échoue, l’avocat peut assister le salarié pour saisir le Conseil de Prud’hommes. Il veillera à la rédaction correcte de la requête et à la présentation des preuves. L’avocat peut aussi représenter le salarié en audience et plaider en faveur de la reconnaissance de la faute de l’employeur, ce qui pourrait aboutir à des dommages et intérêts.
En somme, bien que la mise au placard soit une situation relativement difficile à vivre, il importe de rester actif au sein de l’entreprise pour une éventuelle évolution positive. Par ailleurs, n’oubliez pas que la saisine du Conseil de Prud’hommes reste une solution de dernier recours si la négociation avec votre employeur se révèle impossible. Dans tous les cas, n’hésitez pas à vous faire assister par un avocat compétent en droit du travail pour vous aider à faire valoir vos droits.
POINTS CLÉS À RETENIR
- La mise au placard consiste à priver un salarié de sa légitimité en l’isolant de son environnement de travail.
- Différents signes permettent de reconnaître qu’un salarié est mis au placard (dénigrement de la part de la hiérarchie, mis à l’écart via des remarques ou des propos vexatoires, etc.).
- L’entreprise et l’employeur sont tenus de respecter certaines obligations légales (fournir le travail prévu dans le contrat, prévenir toute situation de harcèlement moral).
- La saisine de la justice est possible en cas de mise au placard.
- Le harcèlement moral se manifeste par des actes répétés entrainant la dégradation des conditions de travail et affectant la dignité d’un salarié.
- La mise au placard est considérée comme du harcèlement moral dès lors que la victime apporte des preuves suffisantes.
- La charge des preuves d’une mise au placard incombe au salarié victime.
- Des collègues de confiance peuvent confirmer les doutes sur la mise en placard d’un salarié et témoigner.
- Les actions à mener en cas de mise au placard sont variées : résolution à l’amiable, négociation du départ du salarié, saisine du Conseil de prud’hommes.
- Si la faute de l’employeur est reconnue, il s’expose à différentes sanctions comme le versement de dommages et intérêts.