Contester un rejet d’offre en marché public : démarches rapides
Un candidat à un marché public estime que l’appréciation de son offre est entachée d’une erreur. Un critère de sélection des offres non-annoncé au début de la procédure, a été utilisé. L’offre de l’entreprise retenue est anormalement basse. Une entreprise estime qu’elle n’a pas pu participer à l’appel d’offres en raison d’un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence. Autant de situations dans lesquelles peut se trouver une entreprise qui voit son offre rejetée.
Que faire ? Quels sont alors les recours pour un candidat évincé à l’attribution d’un marché public ?
Le moyen de contester le plus rapidement possible le rejet de son offre est de former un référé précontractuel.
En quoi consiste cette action ? Quelles sont ses conditions pour engager cette action ? Quels sont les délais ? Que peut-on obtenir ?
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Procédures d’attribution d’un marché public et information du rejet de l’offre
Un marché public est un contrat conclu avec un acheteur public (l’État, les collectivités locales, une région, un département ou encore une commune) pour la réalisation de travaux, des prestations de services ou encore l’acquisition de fourniture.
L’attribution d’un marché public est par principe soumise à des obligations de publicité de mise en concurrence, dès lors que le montant de celui-ci est supérieur à 40.000 euros HT.
Concrètement, au-dessus de ce montant, l’acheteur public a l’obligation d’organiser une procédure de mise en concurrence et de publier un avis afin d’informer les entreprises de l’appel d’offres.
Sans entrer dans le détail, il faut préciser que les obligations de l’acheteurs publics sont plus ou moins importante selon que le marché public est conclu dans le cadre d’une procédure adaptée (MAPA) ou qu’il l’est dans le cadre d’une procédure formalisée (appel d’offres, procédure avec négociation…). En dessous de 40.000 euros HT, l’acheteur n’a aucune obligation en la matière.
Le recours à l’une ou à l’autre de ces procédures va dépendre, là-encore, du montant du marché (Pour en savoir plus sur les seuils applicables aux marchés publics).
En revanche, il est important de revenir sur les obligations de l’acheteur vis-à-vis du candidat concernant l’information du rejet de son offre.
En effet, c’est à compter l’information du rejet de l’offre (ou de la signature prochaine du contrat) qu’il faut agir.
Si la procédure est formalisée, alors l’acheteur public doit obligatoire informer le candidat du rejet de son offre en lui précisant notamment les motifs de rejet de son offre, celle qui a été choisie et les motifs qui ont conduit à la retenir, et surtout la date à laquelle le marché sera susceptible d’être signé (respect d’un délai de stand-still de 16 jours en cas d’information par voie postale ou de 11 jours par voie électronique entre l’information et la signature).
Si la procédure est adaptée (MAPA), l’acheteur a pour seule obligation d’informer le candidat du rejet de son offre ; ainsi, il n’a notamment pas d’obligation de l’informer de la date de signature du contrat.
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Engager un référé précontractuel, avant la signature du contrat
Quel est l’objet du référé précontractuel ?
Le référé précontractuel permet d’attaquer la procédure d’attribution d’un marché public (ou d’un contrat de concession ou de délégation de service public), dès lors que sa passation méconnaîtrait les règles de publicité et de mise en concurrence applicables (Articles L. 551-1 et suivants du Code de justice administrative).
Qui peut saisir le juge du référé précontractuel ?
Les personnes qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Il s’agit ainsi des candidats évincés qui ont participé à l’appel d’offres, mais également des candidats potentiels qui a été empêchés ou qui été dissuadés de candidater (en raison du fait par exemple que l’acheteur public n’a pas publier d’avis de publicité).
Dans quel délai faut-il saisir le juge du référé précontractuel ?
Impérativement avant la signature de contrat. En effet, dès lors que le contrat est signé (même irrégulièrement), le référé est automatiquement rejeté.
Comme indiqué, en règle générale, notamment dans le cadre des procédures formalisées, l’acheteur doit observer un délai de stand-still, qui est de 16 jours en cas d’information par voie postale ou de 11 jours par voie électronique, entre l’information des candidats évincés du rejet de leur offre et la signature du contrat.
Le cas échéant, c’est donc dans ce délai que l’action pourra être engagée.
Quels arguments invoquer dans le cadre d’un référé précontractuel ?
Le candidat évincé peut invoquer les manquements et irrégularités de l’acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, lors de la passation du contrat (marché public, contrat de concession).
Il peut s’agir, par exemple, la non-publication d’un avis d’appel d’offres, le non-respect des règles de la consultation, l’inégalité de traitement des candidats, l’utilisation de critères ou de sous-critères de choix illégaux ou qui n’étaient pas prévus initialement, voire le choix d’une offre anormalement basse.
Que peut faire le juge du référé précontractuel ?
Le juge du référé précontractuel (auprès du tribunal administratif territorialement compétent) se prononce généralement dans un délai de 20 jours.
Le juge peut principalement annuler la procédure de passation (et non le contrat qui n’a de fait pas encore été conclu).
Il y a donc un véritable intérêt pour un candidat évincé qui estimerait que son offre a été irrégulièrement écartée, de saisir le juge administratif d’un référé précontractuel.
Non seulement, cette action fait immédiatement obstacle à la signature du contrat et interrompt la procédure de passation, mais le juge peut rapidement prononcer l’annulation de la procédure, qui doit alors être relancée.
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Que faire si le contrat a été signé ?
Dès lors que le contrat a été signé, le référé précontractuel n’est plus possible.
Quelles sont les autres actions pouvant alors être envisagées ?
Le référé contractuel
Tout d’abord, le juge des référés (auprès du tribunal administratif) peut encore être saisi par l’intermédiaire d’un référé contractuel.
Ce recours n’est ouvert qu’à la condition que le candidat évincé ou empêché n’a pas pu faire un référé précontractuel. C’est le cas lorsque le candidat a fait un référé précontractuel mais que l’acheteur public a quand même signé le contrat ; ou encore lorsque le candidat n’a pas été informé du rejet de son offre.
Cette action peut aboutir à l’annulation du contrat.
Le recours en contestation de la validité du contrat
Il s’agit de contester la validité du contrat devant le juge du fond (CE, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n°358994) ; c’est donc une procédure plus longue mais qui peut aboutir également à l’annulation du contrat.
Il est important de préciser que non seulement le concurrent évincé peut contester le contrat, mais également tout tiers au contrat, susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon directe et certaine par la passation du contrat ou de ses clauses.
Il peut s’agir donc du concurrent évincé, d’une entreprise qui n’a pu présenter d’offre, d’un contribuable qui estime que le contrat est irrégulier ou encore d’un élu de la collectivité local en cause (la commune par exemple).
Une action indemnitaire
Enfin, le candidat irrégulièrement évincé d’un contrat public peut saisir le juge administratif pour obtenir une indemnisation en réparation de son préjudice. Son préjudice réside dans le fait qu’il a aurait pu, voire dû, – sans les irrégularités commises – obtenir le contrat ; il va pouvoir demander l’indemnisation de son manque à gagner notamment.
L’administration disposera alors de 2 mois pour répondre. A défaut, elle est réputée avoir rejeté la demande. Il faudra ensuite saisir le juge administratif, par sécurité dans un délai de 2 mois après le refus (explicite ou implicite).