Comment signaler les propos haineux sur internet ?
Une proposition de loi sur les propos haineux portés sur la toile est actuellement à l’étude. Aussi, nous nous sommes penchés sur les tenants et aboutissants liés aux procédures de signalement sur internet.
La seule limite posée à la liberté d’expression sur internet est donc l’atteinte à autrui. Dans ce sens, un sondage de 2018 d’OpinionWay met malheureusement en exergue que la moitié des internautes estime avoir déjà été la cible de contenus haineux sur la toile. Pourtant, peu d’entre eux prennent malgré tout le temps de signaler ces contenus aux plateformes d ‘hébergement ou aux autorités. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 68% des jeunes âgés entre 18 et 24 ans ont déjà vu des contenus haineux sans être forcément visés. Le constat est alarmant : seuls 20% des contenus sont signalés. A quoi est-ce dû ? Comment se passe la procédure de signalement encadrée la loi pour la Confiance en l’Economie Numérique du 21 juin 2004 ? Nous avons fait le point.
La responsabilité a posteriori des hébergeurs
Les plateformes telles que Facebook et Youtube hébergent les contenus de tiers. Elles sont qualifiées d’hébergeurs par la loi LCEN et doivent donc légalement permettre la possibilité de faire un signalement à partir de leur site.
Nécessité est faite de mettre en demeure en premier lieu l’auteur des propos illicites. C’est seulement en cas d’inaction de ce dernier que l’on peut se retourner contre la plateforme d’hébergement.
Cette dernière devra agir “promptement” si elle estime qu’il y a effectivement atteinte à autrui.
Que puis-je signaler ?
Tout contenu illicite désigne ainsi des propos haineux. Ils peuvent être sexistes, racistes, discriminations, stigmatisations sur le physique, propos islamophobes, homophobes, xénophobes et antisémites. Il peut aussi s’agir de contenu pédophile ou pornographique ou d’apologie au terrorisme ou de crime contre l’humanité. Enfin, il peut s’agir de violence contre les personnes ou les animaux.
De nombreux challenges sévissent sur la toile et ils peuvent être signalés dès lors qu’ils mettent en danger la vie d’autrui. On pense ainsi au Blue Whale Challenge qui a malheureusement fait de nombreuses victimes. Il s’agissait pour un joueur désigné de réaliser chaque jour un défi pendant 50 jours. Le défi ultime étant le suicide du joueur. Trois personnes à l’initiative du défi ont été identifiées et font l’objet de poursuites.
Comment signaler ?
Les procédures diffèrent selon les cas :
- Lorsque les propos sont tenus sur un blog, il faut signaler le contenu auprès du Directeur de la publication. Il s’agit de la page web concernée
- Lorsque les propos sont tenus sur une plateforme d’hébergement, un formulaire de signalement est nécessairement mis à disposition de tout internaute.
Enfin, l’internaute a la possibilité de se rendre sur le site internet de signalement du gouvernement appelé Pharos et d’y effectuer tout signalement. Il peut s’agir de chantage par mail / bitcoin, de challenges reçus par mail et mettant en danger la vie d’autrui ou d’autres cas d’espèce.
Qui traite les signalements ?
Suivant la procédure entamée, la plateforme d’hébergement, le directeur de publication ou les autorités judiciaires peuvent être amenées à traiter les signalements qu’ils reçoivent.
Le signalement est orienté vers un service d’enquête de la Police Nationale, de la Gendarmerie Nationale, des Douanes ou de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Une enquête pénale peut être ouverte, sous l’autorité d’un Procureur de la République.
Enfin, si le contenu signalé est illicite mais conçu à l’étranger, il est transmis à Interpol qui l’oriente vers les autorités judiciaires du pays concerné.
Comment sont-ils traités ?
Le contenu signalé est tout d’abord étudié puis qualifié juridiquement. Il peut ainsi être le cas d’atteinte à la vie privée, divulgation de données personnelles, cyber-harcèlement, chantage, apologie au terrorisme, etc.
Le cyber-harcèlement est réprimé dans le Code pénal. C’est une infraction de harcèlement qui prend en considération une circonstance aggravante, celle d’être communiquée en ligne. Il est ainsi punissable jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Ces derniers délits font tous l’objet de stricte qualification juridique, sont aussi susceptibles de prescription de l’action publique et doivent respecter le principe de territorialité.
Seul un avocat spécialisé en droit numérique pourra vous informer à cette fin.
Les signalements sont-ils anonymes ?
Il est préférable de s’identifier en remplissant les mentions du formulaire dédié mais ce n’est pas obligatoire sur la plateforme Pharos. A défaut, seul le numéro IP associé à la connexion internet pourra y pallier. Ce numéro n’identifie pas une personne et seuls les fournisseurs d’accès et de services sur internet connaissent les titulaires des adresses IP.
Dans des cas exceptionnels et pour les besoins d’une enquête, les enquêteurs peuvent demander l’identification d’un numéro IP. Pour ce faire, ils doivent obtenir l’autorisation d’un Procureur de la République.
Retenez que les dénonciations mensongères sont punissables et que deux explications majeures viennent expliquer le manque de signalement de propos haineux en ligne :
- l’inadaptation de certaines procédures destinées à saisir des autorités.
- l’impossibilité de déposer plainte en ligne pose question.
Heureusement, ces procédures de signalement font actuellement l’objet d’une proposition de loi pour améliorer le respect de chacun sur la toile. Dans les grandes lignes, elle vise un retrait des propos haineux dans les 24h, mise en place d’un bouton unique de signalement. La proposition de loi vise les plus grosses plateformes dont le nombre mensuel de visiteur doit être fixé par décret.
Gageons que le texte final retenu mettra en place de nouveaux garde-fous permettant un accroissement des signalements et dont nous ne manquerons pas de vous informer.
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